Les exemples foisonnent de mythes qui mettent en scène la bière, les heurs ou malheurs qu’en reçoivent les hommes. La bière y est souvent donnée ou concédée aux humains par des dieux généreux, ou au contraire jaloux de leur boisson divine, ou encore par une légendaire brasseuse. Pour autant qu’on puisse résumer et comparer une telle richesse historiale, plusieurs grandes thématiques se détachent :
Ces divers thèmes, parfois complémentaires, n'ont pas la même signification ni la même portée selon qu'ils sont développés par des peuples dotés de structures sociales non autoritaires ou par des sociétés hiérarchisées et complexes.
Pour les premières, la bière fait passer de la vie sauvage à la vie sociale. Elle survient dans le monde humain grâce à la générosité ou le sacrifice d'un(e) ancêtre. La bière est le véhicule du chamane ou du guérisseur pour passer de l'autre côté du monde. On jette quelques gouttes de bière en cet honneur avant de goûter un nouveau brassin. Rien de plus. Ceci correspond aux sociétés dites "tribales" ou sans-état.
Pour les secondes, le don ou l'invention de la bière légitime un pouvoir politique chargé ensuite de redistribuer ce bienfait parmi les hommes. Les offrandes de bière renforcent ce pouvoir en permettant au roi ou au prêtre d'officier dans un palais ou un temple et de s'arroger une communication privilégiée avec les dieux. La brasserie devient, après une longue évolution économique et sociale, le support d'un pouvoir politique centralisateur de type royauté ou empire. C'est le cas des sociétés fortement hiérarchisées apparues au cours de l'antiquité en Mésopotamie, en Egypte, en Inde et en Chine. Toutes ont donné naissance à des traditions brassicoles fortes et plusieurs fois millénaires.
Entre ces deux pôles extrêmes, une grande variété de situations sociales et de rôles de la brasserie ont réglé l'invention historique de la bière parmi les peuples et leurs mythologies.