La bière, le fermenté et l'impur dans le judaïsme

 

La bible mentionne l'importance de l'orge et du blé. L'orge fait partie des 7 bénédictions de la terre promise (Deutéronome 8:8). Le pays fertile est un grenier. De grandes quantités d'orge assuraient l'entretien du palais de Salomon. L'orge est mangée grillée, réduite en farine (Nombres 5:15), en bouillie (Ezéchiel 4:9) et en pain (Ezéchiel 4:12; Juges 7:13). L’orge et le blé servent la consommation courante de bière.

Grains et bière font également partie des offrandes au temple. Des libations de bière à verser sur l’autel sont prescrites matin et soir. Le mot qui désigne la bière dans la bible est שכר (shekhar/šekar). Il dérive de l'araméen šikra, lui-même de l'akkadien šikaru qui désigne sans conteste la bière depuis le 3ème millénaire av. n. ère en Mésopotamie.

Shekhar apparaît dans la Bible 19 fois en parallèle avec le mot qui désigne le vin de raisin, et une seule fois isolé quand Dieu commande à Moïse l'ordonnancement des sacrifices du matin et du soir. Chaque fois un agneau sans tâches, et avec chaque agneau :

« Sa libation sera d'un quart de hin pour chaque agneau; dans le lieu sacré, tu verseras une libation de שכר à Yahvé » (Nombres 28:7).

Le hin ≈ 4 litres, soit environ 2 litres par jour (offrandes du matin et du soir) et 16 litres de שכר offerts par semaine (la libation est plus importante le jour de Shabbat )[1].

Déportation des Juifs à Babylone, tableau de Tissot 1896-1902, Jewish Museum, New York, NY.

 

Quoique le sujet reste débattu, on s'accorde à voir dans ce contexte rituel le שכר (shekhar/šekar) comme de la bière d'orge, éventuellement édulcorée avec du jus de dattes selon les habitudes générales des peuples du Proche-Orient au 1er millénaire av. n. ère. Le Talmud relate que « les entrepôts de bière (shekhar) à Babylone sont comme les entrepôts de vin (yayin) en Palestine » (b. Pesah 8a), témoignage des Juifs de Jérusalem et du Royaume de Juda déplacés de force en Babylonie sous Nabuchodonor II après leur défaite militaire en -597. Le Talmud dispose de deux termes techniques distincts, l'un pour le vin (yayin [2]), le second pour la bière (shekhar).

 

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[1] Michael Homan 2004, Beer, Barley, and in the Hebrew Bible, in Richard Elliott Friedman and William H.C. Propp, eds., A Tribute for David Noel Freedman on his 80th Birthday, p. 25.
Michael Homan 2004, Beer and Its Drinkers: An Ancient near Eastern Love Story, Near Eastern Archaeology, Vol. 67, No. 2, pp. 84-95.
Michael Homan 2010, Did the Ancient Israelites Drink Beer? , Biblical Archaeological Review (BAR). A limited reassessment of Homan's previous articles.

[2] Yayin = "ce qui est pressé", désigne le jus de raisin fermenté ou non. La Bible Hébraïque emploie aussi une terminologie spécifique pour désigner différents états des boissons fermentées. M. Tolliver, The Essence of Wine - Meaning of  תירוש in the Hebrew Bible - PhD 2007. Mais les 4 groupes de boissons fermentées restent : le vin (de raisins et autres fruits), la bière, l'hydromel et le vinaigre de vin ou de bière. Le lait fermenté semble inconnu.

18/06/2012  Christian Berger