Avec quoi brasse-t-on la bière ?

Du houblon ? Non, la matière première de la bière c’est l’amidon. Où le trouve-t-on ? Les humains ont brassé leur bière avec toutes les plantes riches en amidon qu’ils avaient sous la main : orge et blé bien sûr, mais également riz, millet, sorgho, maïs, manioc, sagou, caroubier, taro, igname, et bien d’autres plantes encore …

Les Indiens d'Amérique du Nord brassaient de la bière

Les Sioux, les Apaches, les Creek, les Cherokee, les Hurons, les Iroquois, les Hopi, les Zunis, les Pueblos, les Natchez ... brassaient des bières de maïs plusieurs siècles avant l'arrivée des Européens. Dans le Sud-Ouest (Californie, Nevada, Arizona) avant les premières explorations espagnoles (1527-1528) , le long du Mississippi (Cahokia), dans les Appalaches, et dans la région des Grands Lacs avant la colonisation française.

La bière est brassée avec du houblon

C’est la vigne du brasseur. L’image est poétique mais fausse. Le houblon n’est pas l’ingrédient de base de la bière. Cette plante aromatique n’a été introduite en brasserie que vers le 9ème siècle en Europe. Avant le houblon, les brasseuses et les brasseurs employaient d’autres plantes aromatiques (), certains dotées de propriétés antiseptiques. Le houblon apporte l’amertume et des substances antiseptiques. L’amidon est l’ingrédient fondamental. …

La bière, c'est du malt d'orge, du houblon et de l'eau uniquement. Vraiment ?

Les humains ont brassé leur bière avec toutes les plantes riches en amidon qu’ils avaient sous la main. Les céréales bien sûr (orge, blé, seigle, riz, millet, sorgho, maïs, etc.), les graminées (quinoa, larmes de job, …), les tubercules (manioc, taro, igname, patate douce, pomme de terre, etc.), les fruits amylacés (banane plantain, caroube, arbre à pain, …), la moelle de certains arbres (sagoutier, etc.) …

Depuis quand brasse-t-on de la bière ?

La bière est la plus ancienne boisson fermentée du monde. Sa préhistoire débute il y 13.000 ans au Proche-Orient, dans ce qui va devenir le Croissant Fertile …

Les brasseries artisanales inventent-elles les bières de demain ?

Les bières du futur (2140-2150) jailliront des brasseries artisanales européennes, africaines, asiatiques ou américaines. Mais quelles sortes de bière ? Bières aux fruits, bière de gruit, bières acides, IPA, bières sauvages … Pas vraiment nouvelles. Tous ces « styles » référencés aux USA sont des copies de bières qui ont déjà existé. Ces « styles » ne s’éloignent jamais du schéma traditionnel européen : le maltage et le brassage en phase liquide (moût). Vraiment innovantes ces bières artisanales ? Tant qu’elles seront prisonnières de l’histoire et des méthodes du brassage occidental, goûts, arômes et couleurs reproduiront la même chose.

Les anciens peuples de l’Inde ne buvaient que du lait ou une boisson sacrée appelée Soma.

Tableau romantique ou new-âge d’une Inde ancienne ignorant presque toutes les boissons fermentées, mais pas le cannabis ! Les textes védiques offrent une autre image. Déjà vers 1500 av. notre ère, une bière nommée surā était à la fois une boisson quotidienne et une boisson sacrée. Brahmanisme, bouddhisme ou jaïnisme n’ont pas profondément modifié ces coutumes. Peu le savent, le sous-continent indien est également un bassin brassicole très ancien.

Dans l'antiquité, la bière ne pouvait pas se conserver.

La bière devait être bue dans les 2 à 3 jours suivant le brassage. C'est le cas des bières occidentales, africaines ou amérindiennes brassées par fermentation d'un moût, un milieu liquide donc, avec ou sans cuisson. Dès que la température avoisine les 20-30 ° C, la bière s'acidifie lentement mais sûrement. Ce n'est pas le cas des bières asiatiques tant que la masse à peine humide des grains fermentés n'est pas mélangée à de l'eau et reste enfermée dans une jarre. ...

La bière a-t-elle changé depuis son origine ?

Ce que vous pouvez lire sur les blogs ou les vulgarisations : 1 - les techniques de brassage n'ont pas beaucoup évolué depuis la préhistoire de la bière. La bière reste une sorte de cuisine élémentaire. Tout le monde peut brasser de la bière dans son garage ou sa cuisine. Nous pouvons sans nous tromper recréer la bière des Egyptiens, des Sumériens ou des anciens Chinois. 2 - la bière s'est métamorphosée au 19ème siècle avec l'invention de la bière industrielle, la bière saine et filtrée, pétillante et mousseuse que nous buvons depuis. Avant, la bière ressemblait à une bouillie fermentée aigre à peine buvable, une mixture que personne n'oserait boire de nos jours! Qui dit vrai ? Ni les premiers, ni les seconds. Ces simplifications ne rendent pas justice à la bière, à son histoire riche, passionnante et plus complexe. A commencer par les méthodes de brassage. Il n'y a pas une seule et unique méthode, mais 6 en tout depuis que la bière existe ...

La révolution des brasseries artisanales est née en Grande Bretagne.

La révolution des bières artisanales a commencé en Grande-Bretagne au début des années 1970. Des brasseurs professionnels, des amateurs de bière et des propriétaires de pubs fondent en 1971 la Campaign for Real Ale (CAMRA) pour défendre l’ale traditionnelle contre l’envahissant et fade lager continental. Ce puissant mouvement obtient ses premiers succès. Des brasseries artisanales sont créées les unes derrière les autres, en Grande Bretagne, puis sur le continent européen. 20 ans plus tard, ce mouvement traverse l’Atlantique. Des amateurs canadiens et américains venus de former en Europe créent leurs premières brasseries artisanales dans les années 1990. Pourquoi dit-on ou écrit-on à tort que la révolution des craft beers est née aux Etats-Unis ?

Comment brasse-t-on la bière ?

Vous croyez qu’il n’existe qu’une seule façon de brasser de la bière ? Il existe 6 schémas techniques différents pour la confectionner. Le plus connu est le maltage basé sur la germination des grains de céréales pour confectionner le malt. Le plus répandu dans le monde est le schéma asiatique. Il utilise depuis des millénaires le pouvoir de certains champignons capables d’hydrolyser l’amidon pour le transformer en sucres que des levures ou ces mêmes champignons convertissent en alcool. C’est ainsi qu’on brasse le sake japonais, le jiu chinois, le makgeolli coréen et bien d’autres sortes de bières traditionnelles asiatiques. Le plus ancien schéma, encore utilisé dans certaines régions du monde, met à contribution la salive et son amylase (la ptyaline) pour transformer l’amidon en sucres fermentescibles. Un autre schéma, africain celui-là, trouve les pouvoirs d’hydrolyse de l’amidon dans certaines racines. Le 5ème schéma emprunte la voie acide. Une infusion acide hydrolyse également l’amidon. Quant au 6ème schéma, il opère par sur-mûrissement des fruits riches en amidon comme la banane plantain …

La bière est-elle plus saine que l’eau ?

Historiquement oui pour les sociétés humaines concentrées dans les premiers villages et premières cités. Quand ils fouillent d’anciens sites urbains, les archéologues découvrent des canalisations et des systèmes d’évacuation des eaux usées. Là où il y avait concentrations humaines et cohabitation avec les animaux, l’eau à boire était de médiocre qualité. Comparativement, la bière était saine. La fermentation élimine les microorganismes nuisibles, du moins quand la bière est fraîche. La cuisson du moût (étape facultative selon le schéma technique ou le type de bière) et la fermentation assuraient une certaine hygiène et une barrière contre les microorganismes. …

La bière est-elle née pour enivrer nos ancêtres ?

Très probablement quoique non vérifiable. Seule la génétique et l’observation des primates supérieurs nous renseignent. Les humains ont hérité, avec leurs cousins primates, d’une capacité à métaboliser l’éthanol. Ce n’est pas le cas de toutes les espèces animales. Par ailleurs, leur environnement offrait à foison fruits, racines, grains et miel qui entraient dans leur régime saisonnier et omnivore. La bière est issue d’un tronc commun de boissons fermentées mixtes concoctées avec des grains écrasés (mâchés ?), des fruits, du miel et des plantes. La bière est née quand des groupes humains se spécialisent dans la production et le stockage de l'amidon. Les techniques de subsistance, la cuisine, les réserves annuelles alimentaires reposent de plus en plus sur les plantes amylacées. Les peuples agriculteurs, horticulteurs ou éleveurs se spécialisent, quand d’autres restent fidèles à la chasse et la cueillette …

Les moines ont-ils fait renaître la brasserie au début du moyen âge ?

Dans leurs abbayes, les moines se sont mis au travail pour brasser une boisson saine et moins prestigieuse que le vin (vœu de pauvreté). En 817, l'Eglise révise la Règle de St Benoît et autorise les moines à faire de la bière leur boisson quotidienne. Les abbayes bénédictines auraient posé les fondations de la brasserie en Europe. Quelle belle légende ! Sous les Mérovingiens et les Carolingiens, ce sont les laïcs, hommes et femmes, qui travaillent et brassent la bière, pas les moines. Les savoirs techniques sont entre leurs mains, pas celles des moines. A partir du 12è siècle, les villes marchandes du nord de l’Europe et de la Ligne hanséatique favorisent la brasserie artisanale urbaine et le commerce longue-distance de la bière. Le plan de St-Gall avec ses 3 brasseries montre que les abbayes hébergeaient moins de moines que de serviteurs et de domestiques (10 serviteurs par moine ou nonne dans une abbaye carolingienne). Ils brassaient la bière au service des moines, des pèlerins et les invités de marque. Les rares images anciennes de brasseurs figurent des laïcs, les frères-compagnons de Nuremberg au 15ème et 16ème siècle. Les moines ne commenceront à brasser de la bière qu’au 19ème siècle, contraints par la sécularisation de leurs vastes domaines agricoles et la fin de leurs privilèges (dîme et exonérations diverses).

Les femmes brassaient la bière avant les hommes ?

Idée reçue et fausse. Pendant l’antiquité, en Mésopotamie ou en Égypte souvent citées en exemple, hommes et femmes travaillaient dans les ateliers de brassage. Les tablettes cunéiformes en témoignent comme les maquettes funéraires égyptiennes. Les tâches étaient nombreuses dans une brasserie : faire germer les grains, les moudre, concasser le malt, pétrir la pâte, chauffer les pots, filtrer, surveiller la fermentation, remplir les jarres, etc. Femmes et hommes y travaillaient en équipe pour les grandes institutions de l’époque (palais, temples, sites funéraires royaux). Il existait aussi un brassage domestique et un autre tourné vers le commerce de la bière (auberge, taverne). En Mésopotamie, des femmes possédaient certaines de ces tavernes-auberges. Mais rien n’indique qu’elles brassaient elles-mêmes la bière. Dans ces sociétés fondées sur l’esclavage, le travail effectif était réalisé par des esclaves hommes et femmes. Le brassage de la bière n’échappait pas à cette règle. Ce n'était pas une activité spécialement féminine. On a tiré trop vite des mythes et du genre des divinités (Ninkasi, Ishtar, Sekhmet) l’idée que la bière était une affaire féminine, confondant réalité sociale et représentation symbolique. Quant au Moyen âge européen, le partage des tâches entre hommes et femmes existe aussi …