Voie n° 4 :   PLANTES À COMPLEXES AMYLOLYTIQUES

Dans certaines régions d'Afrique, la maische (bouillie cuite de farine de sorgho, de maïs ou de manioc) est hydrolysée par trempage de plantes directement dans la masse refroidie. La source enzymatique est donc exogène. Cette fois, il ne s'agit plus de mycélium mais de racines ou de bulbes capables de produire et fixer des enzymes de la classe des amylases.

Eminia holubii-rhynchosia insignis

 

Aux frontières du Zaïre et de la Zambie, les habitants exploitent les amylases de racines séchées d'un arbuste (Eminia holubii Taub) ou des espèces Rhynchosia insignis et Vigna nuda. Plantes et bières de manioc y sont réunies sous l'appellation Munkoyo (nom vernaculaire des plantes du genre Eminia)[1].

En Afrique de l'Ouest, les extraits de Curculigo pilosa, des bulbes de Gladiolus klattianus ou des feuilles de Boscia senegalensis stockent naturellement des enzymes saccharifiants.

 

Comme pour le malt (voie n° 2) et les ferments amylolytiques (voie n° 3), les racines et bulbes Munkoyo font l'objet d'un commerce local. Les plantes sont collectées en forêt, séchées, transportées et vendues aux brasseuses dans les villages. Les récolteurs possèdent une parfaite connaissance du milieu végétal qui implique un savoir-faire transmis de longue date.

 

Thèse sur le munkoyo, Dany Griffon 1985

 

 

 

Voir le dossier Munkoyo et la thèse de Dany Griffon sur la bière munkoyu en République du Congo et en Zambie.

 

 

 

 

La comparaison des proportions d'amylases α et β contenues dans le malt d’orge et les racines d’Eminia, Vigna et Rhynchosia explique l’extraordinaire activité saccharifiante des plantes dites Munkoyo.comparaison des proportions d'amylases α et β

Toutes les variétés de Rhynchosia et Fabaceae apparentées à Eminia n’ont pas le même pouvoir diastasique. Rhynchosia insignis arrive en tête.

Rhynchosia et Fabaceae apparentées à Eminia n’ont pas le même pouvoir diastasique

Brassage avec plante amylolytique (méthode n° 4)

 

 

 

Certaines plantes disposent d’enzymes saccharifiantes dans leurs racines ou leurs organes aériens : racines des genres Eminia,ou Rhynchosia, tiges de la liane Abrus pulchellus, feuilles de Boscia senegalensis, etc.

 

Le brassage consiste à laisser macérer ces plantes dans une bouillie de grains crus (non maltés), une maische. Les enzymes hydrolysent l’amidon cuit. La maische devient sucrée et fermentescible.

 

 

Cette méthode est assez proche du maltage. L’origine des enzymes saccharifiantes est endogène (grains germés) pour le maltage. Elle est ici exogène. Cette méthode s’adapte donc à toutes les sources d’amidon: grains mais aussi tubercules.

 

Cette méthode de brassage est une technique africaine autochtone. Deux foyers géographiques sont recencés à ce jour : haut-Congo et Zambie d'une part, Sénégal d'autre part. Deux foyers, deux zones géographiques très différentes, distantes de plus de 5000 km. La Zambie est proche du foyer des Songola (haut-bassin du Congo) qui maîtrisent une autre méthode de brassage, la voie n° 3 de la culture de mycélium à usage brassicole. Il est à peu près exclu qu'une influence étrangère à l'Afrique ait pu enseigner ces techniques sophistiquées aux populations concernées dans une région forestière isolée. L'Afrique orientale est en contact avec l'Asie (Proche-Orient, Inde, Chine épisodiquement) depuis 2000 ans. Mais les influences et les échanges sont restés limités aux zones côtières, même après l'expansion de la culture swahili et les razzia esclavagistes dans les profondeurs du continent africain. On aurait, à cheval entre haut-Congo et Zambie, un conservatoire de techniques brassicoles africaines. Ce savoir-faire autochtone ne doit rien aux techniques de maltage (voie n° 2) communes à l'Afrique orientale et occidentale des savanes et des bassins fluviaux à céréales (Sénégal, Niger, Volta). Il ne doit rien non plus aux politiques coloniales qui ont le plus souvent ignoré et combattu la fabrication traditionnelle de bières en Afrique.

Cet article résume l'étude de 2 bières senégalaises brassées par les Joola et les Seerer.

Cette tradition africaine indigène existe aussi au Sénégal, à presque 5000 km du  centre du Congo. Les bières de millet Boumkaye et Niéniébane sont brassées avec des lianes d'Abrus pulchellus ou les tiges et feuilles de Boscia senegalensis, selon le même principe que la bière Munkoyo.

Cette méthode de brassage existe probablement ailleurs en Afrique, attendant d'être décrite par des chercheurs sur le terrain.

 

 

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[1] Dans la province du Katanga en République démocratique du Congo, et en Zambie, les gens utilisent les racines de certaines Fabaceae dans le brassage de la bière traditionnelle «Munkoyo». Six taxons sont connus pour leurs propriétés amylolytiques : Eminia holubii (Hemsley) Taub., E. harmsiana De Wild., E. antennulifera (Baker) Taub., Rhynchosia insignis (Hoffm.) R. E. Fries subsp. insignis, Rhynchosia insignis (Hoffm.) R. E. Fries subsp. affinis (De Wild.) Pauwels and Vigna nuda N. E. Br. www.nzenzeflowerspauwels.be/REFERENCES.htm  

et le document pdf qui décrit la FABRICATION DE LA BIÈRE «MUNKOYO» (site resté en http => possible avertissement de sécurité)

 

01/04/2013  Christian Berger