Voie n° 6 :   HYDROLYSE ACIDE DE L'AMIDON

L'empois d'amidon soumis à une forte acidité est hydrolysé. L'hydrolyse acide de l'amidon est passée au stade industriel durant le 19ème siècle pour produire des glucoses alimentaires par l'action d'acide chlorhydrique sur de l'amidon bon marché (pomme de terre, manioc). La voie n° 6 procède par action chimique et non enzymatique, même si l'acidité du moût provient par exemple de bactéries lactiques. De nombreuses bières traditionnelles à travers le monde sont brassées avec cette technique : kwas (Russie), braga (Europe de l'Est), Buza (Bulgarie, Roumanie), bières africaines de grains crus (pas de malt), bières de manioc sans ferments amylolytiques (Amazonie, Afrique tropicale), bière de caroubier (Amérique du sud, Amérindiens de Californie et Colorado), bière de sagoutier (Asie du Sud-Est, Bornéo, Papouasie-Nouvelle Guinée), etc.

Comment acidifier un brassin sans recourir à la fermentation lactique ? Ajouter au moût des baies acidifiantes (airelle, groseille, argouse, ), des jus végétaux acides (ex. oseille, citron, ...) ou une bière acidifiée acétique, résidu d'un précédent brassin.

 Pour la fabrication de la bière, cette méthode contribue très rarement seule à libérer les sucres de l'amidon.

A) L'acide lactique est trop faible et la méthode trop longue si elle agit seule à un pH 4,5.

B) Une acidité trop forte est incompatible avec le travail ultérieur des levures.

C) La fermentation acétique implique la dégradation de l'alcool, processus incompatible avec les fins de la brasserie.

En fait, la voie n° 6 coopère souvent avec les autres techniques traditionnelles de brassage de bières acidulées connues en Europe, en Afrique ou en Asie. Un moût acidulé accélère l'hydrolyse de l'amidon.

Brassage medium acide (méthode n° 6)

 

 

 

Un empois d’amidon peut être transformé en sucres simples par un milieu acide fort (pH < 4). Cette technique purement chimique est appliquée dans l’industrie pour produire du glucose bon marché.

C’est une méthode qui caractérise le brassage du kwas en Russie et du braga en Europe centrale, une simple infusion de céréales panifiées avec addition de baies ou fruits acidulés. Elle permet aussi de brasser la bière avec la moelle du sagoutier en Indonésie.

Plus généralement, la participation de la fermentation lactique aux modes de brassage traditionnels dans le monde implique que l’hydrolyse acide joue un rôle dans la préparation des bières.

Quelques exemples de brassage débutant par une phase acide, généralement lactique : saké (riz/Japon), Berliner Weisse, Gose et Lichtenhainer (blé-orge/Allemagne), kaffir beer (sorgho/Afrique du Sud), Lambic (blé-orge/Belgique), kvas (seigle/Russie), anciennes bières acidulées d'Europe centrale (braga).

La voie n° 6 intervient également pour confectionner des pâtes acides séchées sous forme de pains-galettes à longue conservation. Cette technique ancienne (Mésopotamie, Egypte) débouche sur la cuisson des pains (boulangerie) ou sur le trempage des dits pains-galettes (brasserie), prélude au brassage de bières plus ou moins acidulées. La mode actuelle des bières artisanales remet les bières acidulées au goût du jour. Le brassage de ces bières acidulées repose sur des ingrédients industriels entièrement contrôlés (malts, levures et lactobacillus de laboratoire, produits alimentaires correctifs industriels, etc).  L'acidité sert à enrichir une palette gustative. Les "sour-beers" n'ont que peu de rapport avec la méthode 6 qui utilise le brassage acide comme principal moyen d'hydrolyse de l'amidon à la place du maltage.

L'hydrolyse de l'amidon par acidification volontaire de la maische ou du moût ne se confond pas avec leur acidification normale résultant du métabolisme des microorganismes (moûts à pH acide). D'une manière générale, toute infusion ou décotion destinée au brassage est légèrement acidulée, quelles que soient les voies choisies pour hydrolyser l'amidon.  Durant la phase de fermentation, les levures travaillent en milieu légèrement acide.

Les bières traditionnelles ou industrielles sont par conséquent elles-mêmes un peu acidulées. Cette propriété rend l'identification de la voie n° 6 problématique dans les documents historiques décrivant le brassage de bières traditionnelles.

De plus, cette technique de brassage intervient, parfois involontairement, quand des boissons se composent de plusieurs ingrédients : amidon, miel, lait, baies ou fruits. C'est notamment ce que font les peuples pasteurs buveurs ordinaires de lait et buveurs occasionnels de bière quand ils peuvent se procurer des grains ou boire de la bière chez les agriculteurs. C'est aussi le cas des boissons non-alcooliques traditionnelles des musulmans d'Afrique et d'Asie. Elles peuvent fermenter spontanément au bout de quelques heures et devenir haram.

 

 

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01/04/2013  Christian Berger