La brasserie dans l'Egypte de l’ancien empire (-2700 à -2200).

Egypte

 

La bière, boisson égyptienne par excellence, est attestée dès le 4ème millénaire en Haute-Egypte (Hierakonpolis en Haute-Egypte, -3500). Son rôle économique et social ne cessera de se renforcer au fil de l'histoire égyptienne, du moins jusqu'au début de l'ère chrétienne.

Cette prépondérance de la brasserie dans l'ancienne Egypte ne doit rien au hasard. Les habitants de la vallée du Nil sont sous la dépendance quasi-exclusive des crues du fleuve. Ses alluvions engraissent les champs plantés de blé et d’orge. L’Egypte est un prodigieux grenier. Ses habitants en ont tiré de quoi boire et manger. Cette relative abondance a fourni des surplus importants de grains qui ont favorisé l’émergence et la consolidation d’une classe sociale religieuse et militaire.

A l’époque pré- et protodynastique (-3650 à -3185), la brasserie devient une activité économique organisée en atelier et patronnée par un pouvoir local (temple, ville, roi ou potentat local). Cette Brasserie-atelier prend la forme d'un lieu spécialisé, fermé ou en plein-air, équipé pour la brasserie (cuves, poterie, dispositif de chauffe, etc.) dans lequel travaillent une dizaine de personnes.

Ces ateliers de brassage se développent-ils à côté de la brasserie domestique ? C'est-à-dire à côté du brassage ponctuel dans les habitations, une fabrication de bière intégrée aux activités culinaires. Les ateliers-brasserie coexistent avec le brassage domestique ou bien, seconde hypothèse, cette organisation collective (atelier de brassage) naît d’emblée, sans le préalable technique et culturel du brassage domestique[1]. Les fouilles de Hierakonpolis (Hierakonpolis en Haute-Egypte, -3500) montrent que le stade de la brasserie-atelier est franchi vers 3500 en Haute-Egypte.

Pendant plus de 3500 ans, des phases de centralisation impériale alternent avec celles de dislocation du pouvoir, de régionalisation et d’intrusions/influences étrangères. Nous nous intéressons ici seulement aux liens que la Brasserie tisse avec le pouvoir politique naissant de Haute-Egypte à l'époque des premières dynasties et de l’ancien empire égyptien.

Les premières dynasties renforcent le pouvoir royal en Haute-Egypte avant de réunir les deux couronnes (Narmer/Menès vers -3150). Cette période dite « archaïque » s’achève vers -2700, suivie par l’ancien empire qui consolide le pouvoir des pharaons sur toute l’Egypte. La Brasserie devient un outil économique au service de la politique dirigiste des pharaons. Elle doit produire les milliers de rations quotidiennes de bière que réclame la main d'œuvre royale. La fourniture de pain et de bière renforce les liens techniques entre Brasserie et Boulangerie. Le rôle social de la bière s'accroît.

Cette période de l'histoire égyptienne ancienne sert de référence dans la grille d’analyse introduite à la page Greniers, Brasserie et Pouvoir. Pour dégager les traits marquants de cette évolution, nous écarterons de nombreux détails[2]. La documentation égyptienne est particulièrement riche. La bière est citée 50 fois, le pain 60, dans les documents compilés par Breasted pour l’Ancien Empire[3]. 

 

 ^                                    >


[1] Dans l’Egypte du 4ème millénaire, le brassage domestique n'a pas laissé de traces archéologiques découvertes à ce jour. Les vestiges de brasserie les plus anciens (Hierakonpolis, Abydos) portent tous la marque d'un contrôle centralisé de la fabrication de la bière. Les échelles de production y dépassent de loin les besoins d'une famille ou d'une maisonnée. Il n'est pas prouvé que le brassage domestique soit une étape primitive ayant servi de point de départ pour l’économie de la brasserie au sein du royaume égyptien prédynastique. La fabrication de la bière repliée sur le monde domestique pourrait au contraire être une évolution tardive. Elle résulterait d'un contrôle moins strict des récoltes de grains. La liberté accordée aux groupes familiaux de décider eux-mêmes de l'emploi des grains récoltés dans la vallée du Nil aurait fait naître une économie domestique de la bière.

[2] L'analyse détaillée de la brasserie égyptienne fera l'objet d'articles spécialisés dans la rubrique Explorer de Beer-studies. Sinon Darby William, Ghaliounghi Paul, Grivetti Louis 1977, Food: The Gift of Osiris. Vol I & II.

[3] Breasted James Henry 1906, Ancient Record of Egypt. Historical Documents vol. I The first to the seventeenth dynasties.

06/06/2014  Christian Berger