Brasser sous les dynasties Shang et Zhou en Chine (1570-256 av. n. ère).

 

Chine

 

Les dynasties royales Shang  et Zhou dominent la Chine respectivement de 1570 à 1046, et 1045 à 256 av. notre ère. La dynastie Shang se dégage des temps mythiques attribués à la dynastie Xia (2070-1570) qui la précède dans les Annales officielles (Shiji et Annales de bambou). La dynastie des Zhou lui succède. Elle établit l'un des plus long règne de l'histoire chinoise, avant de sombrer dans le chaos et laisser place aux Han qui formeront le premier empire chinois unifié (Brasserie sous les Han).

La Chine ancienne se caractérise par l'abondance et la variété des sources d'amidon pour la brasserie.

D'après les plus anciens textes et les recherches des archéobotanistes, 6 graines cultivées sont fondamentales pour les Chinois dans l'antiquité. Le terme "graine" (ku) regroupent des céréales et des légumes :

 

Panicum Millet, Shu

 

shu =  le millet chandelle ou Millet commun (Panicum miliaceum), graminée de la famille des Poacées (broom corn/proso millet). Il semble réservé à la brasserie. La culture des millets débute dans le Nord de la Chine il y a 6-7000 ans. Le terme Liang apparaît sous les Zhou et semble désigner une autre variété de millet. Un millet glutineux est également utilisée par  la brasserie chinoise dans l'antiquité et adapté à la technique de brassage fondée sur les ferments amylolytiques.

 

Setaria Millet, Shi

 

chi = millet des oiseaux ou petit mil (Setaria italica), graminée de la famille des Poacées (foxtail millet). Il semble dédié à la cuisine plus qu'à la brasserie. La découverte de grains de S. italica sur le site de Pan-P'o (Banpo) près de Xi'an (Shaanxi) datés entre 4773 et 4294 av. n. ère démontre la prédominance du millet dans le nord de la Chine depuis le début de la période de Yangshao, il y a 7000 ans[1].
  

Oriza sativa, Tao

 

 tao = le riz (Oriza sativa). Domestiqué dans la vallée du Yangtze depuis 11.500 ans. Il est employé pour brasser diverses sortes de bière de riz depuis la plus haute antiquité chinoise dans le sud du pays. On a retouvé sa trace à Jiahu vers -7000 ans dans un contexte archéologique associé à la fabrication d'une sorte de bière complexe. Son rôle dans le développement ancien de la brasserie chinoise est donc certaine et prouvée, comme celle du millet.

  

Triticum turgidum, Hsiao Mai

 

mai = grains de céréales en général. ta (grand) mai désigne l'orge (Hordeum vulgare) et hsiao (petit) mai désigne le blé (Triticum turgidum). L'orge et le blé sont employés pour brasser des bières. La technique dominante est le maltage, du moins jusqu'aux Han, période qui annonce le déclin progressif de ces deux céréales dans la composition des bières traditionnelles chinoises, au profit presque exclusif des millets et du riz.

  

Hemp, Cannabis sativa, Ma

 

ma = le chanvre (Cannabis sativa) utilisé très tôt à la fois pour ses graines (plante femelle) et ses fibres (plante mâle). Vers le 6ème siècle, le chanvre alimentaire recule devant les céréales et devient une plante secondaire. Mais il reste utilisé pour confectionner des ferments de brasserie, du moins comme source de moisissures amylolytiques et support d'amidon pour cultiver champignons et moissures qui composent les ferments à bière de la technologie brassicole chinoise. 

 

Soybean, Shu

 

shu = le soja (Glycine max). Ce n'est pas une céréale mais un légume. A l'inverse du chanvre, le soja a pris une importance toujours plus grande avec le temps. Il n'a pas de rôle direct en brasserie. Cependant, les sauces fermentées à base de soja utilisent une technologie voisine de celle de la brasserie, à savoir l'utilisation de ferments.

 

 

 

Il faut encore citer les haricots (shu, tou) et les taros (), Colocasia esculentum, cultivés dans le Sud du pays. Ces végétaux riches en amidon ont été très tôt employés en brasserie, soit comme sources d'amidon saccharifiable, soit comme support nutritif pour la culture des moisissures amylolytiques destinées aux ferments de brasserie.

La terminologie littéraire des millets ne rend pas compte de leur diversité botanique originelle. Même remarque pour le riz : un seul terme générique (tao) mais des dizaines de variétés de riz adaptées aux usages de la brasserie et de la cuisine. La Chine ancienne se caractérise par l'abondance et la variété des sources d'amidon pour la brasserie.

 

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Brasserie chinoise ?
Par brasserie chinoise à l'époque très reculée des Shang et des Zhou, nous désignons tout ce qui touche à la bière sur un territoire qui couvre grosso modo la Chine actuelle, moins le Tibet.
Mais il y a 3000 ans, les entités politiques Shang et Zhou contrôlent à peine 10% de ce qui forme la Chine moderne, essentiellement la grande plaine côtière de part et d'autre du Huang-he (fleuve jaune) et ses affluents.
Des peuples non sinisés vivent dans le Nord, l'Est et le Sud. Leurs mœurs et leurs cultures rivalisent avec ce qui deviendra le noyau de la culture des Hans. La "brasserie chinoise" est un objet historique virtuel.

 

En résumé, la brasserie chinoise utilise dans l'antiquité le millet, surtout dans le nord de la Chine, l'orge et le blé, le riz (surtout dans le sud de la Chine), les fèves de haricots et les racines de taro, toujours dans le sud de la Chine qui s'étend entre le fleuve Yangtze et les frontières actuelles du Vietnam, du Laos et de la Birmanie.

 

A cette liste s'ajoutent les plantes, amylacées ou non, employées pour confectionner les ferments amylolytiques, une technique que la Chine a beaucoup perfectionnée depuis les Han, sans avoir l'exclusivité de son principe parmi tous les peuples brasseurs de la planète (voie du brassage n°3). Les pâtes cuites qui servent à cultiver les moisissures amylolytiques sont à base de céréales, de haricots, de racines amylacées ensemencées avec diverses feuilles ou fleurs porteuses de ces moisissures à l'état sauvage.

 

On s'accorde à voir dans le bassin du Huang-he (fleuve jaune) la frontière entre deux grands ensembles géographiques et deux zones climatiques. Le Nord, avec un hiver marqué, est le domaine du millet et des graminées. Il est propice aux techniques du maltage. Le Sud, plus tropical, aurait favorisé la riziculture, le taro, les tubercules amylacés, et par conséquent le brassage à l'aide de ferments amylolytiques. Mais il y a 5 à 4 mille ans, le climat de la Chine était plus chaud et humide. Le tableau proto-historique de la brasserie en Chine ne peut se résumer à cette division nord-sud marquée par le bassin du Huang-He.

 

 

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[1] Chang Te-tzu 1983, The Origins and Early Culture of Cereals Grains and Food Legumes, in The Origins of Chinese Civilization, Ed. by David N. Keightley, p. 65.

06/06/2014  Christian Berger