La bière de l'aire de battage à Lagaš  (Mésopotamie, 3ème millénaire).

 

A Lagaš, le malt (munu4) sert à brasser « la bière de l'aire de battage » pour célébrer la récolte de l'orge nouvelle. Les rites associés au tribulum et son aire de battage ne clôturent pas toujours le cycle de l'orge. A l'époque présargonique (2450-2340), une autre fête agraire couronne les moissons. Elle évoque l'aire de battage mais se déroule au palais de Lagaš. Elle se baptise fête « pour l'aire de battage (ki.sug) où-l'on-se-réjouit ». Les prêtres y amènent, depuis les champs, gerbes et grains de la nouvelle récolte. Les épis sont offerts aux divinités de la ville, en particulier celles qui patronnent l'agriculture et la fertilité du pays.

Les grands bénéficiaires de ces prémices restent symboliquement le roi et la reine. On leur réserve de la bière forte et du pain-bière BAPPIR pour brasser cette même bière, baptisée « bière de l'aire de battage ». C'est l'expression abrégée de « bière et pain pour l'aire de battage qui a été vidée  ».

Plaque de Ur-Nanshe

 

 

Relief votif d'Ur-Nanshe, roi de Lagash. Dynasties Archaïques (2550-2500 av. J.-C.).

Registre supérieur : le roi porte le panier du bâtisseur et commémore la reconstruction du temple du dieu Ningirsu à Girsu.

Registre inférieur : scène de banquet. Le roi boit de la bière, entouré de sa femme et ses enfants (?).

 

 

 

 

Certaines tablettes omettent le pain, ce qui laisse supposer de joyeuses célébrations axées sur le boire plus que le manger : ici 42 litres, là 84 litres de bière forte apportés au palais comme «  la bière de l'aire de battage ». Les comptes en font apparaître d'importants volumes préparés spécialement par un des brasseurs de la maison de la reine, à base de blé-emmer mondé, de BAPPIR et de malt [1]. Cette fête s'intégre au cycle de l'orge. Celui-ci ne peut s'achever dans la Mésopotamie du 3ème millénaire sans que l'orge nouvelle ait été convertie en bière puis consommée par les dirigeants de la cité, en compagnie du personnel palatial et religieux.

Une tablette décompte environ 42 litres de bière forte consommée « lorsque la Princesse a fait manger le pain aux serviteurs du temple ». Durant ce repas communiel, la princesse officie comme truchement des divinités poliades. La bière intervient dans les rites agraires jusqu’aux célébrations finales. Autre détail significatif, on brasse au palais pour la circonstance une bière spéciale avec l'orge nouvelle rapportée des aires de battage-maltage situées aux alentours. Il est question de « bière d'orge fraîche (kaš-še-gibil) » en relation avec des « brasseurs (de bière) d'orge fraîche » (lú-kaš-še-gibil-ka) [2]. Le lien entre la boisson fermentée et la conclusion du cycle de l'orge ne serait être plus fortement souligné. 

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[1] Yvonne Rosengarten 1960, Le Concept Sumérien de consommation dans la vie économique et religieuse : 217-218.

[2]  op. cit. 361.

15/01/2012  Christian Berger